Où vont vraiment vos vêtements ? On vous raconte ce qu’on fait vraiment, sans filtre

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Chaque jour, vous nous confiez vos vêtements dans nos bulles. Et on sait pourquoi : vous voulez faire les choses bien. Donner une seconde vie. Éviter le gaspillage. Soutenir un modèle plus juste.

L’émission #Investigation de la RTBF a remis la filière textile sous les projecteurs et a suscité beaucoup de questions de votre part.

Alors, on a décidé de faire ce qu’on fait toujours : prendre la parole franchement. Parce que notre boulot, c’est aussi d’expliquer comment on fait les choses, et pourquoi on les fait différemment.

On a donc posé toutes vos questions à Jean-Baptiste Verjans, qui travaille chez nous depuis 14 ans et est un des gérants du réseau européen TESS GEIE. Et voici notre réalité — celle qu’on construit chaque jour, collectivement, avec nos équipes et nos partenaires.

Le parcours d’un vêtement chez Terre en 3 étapes

Pour Jean-Baptiste, le point de départ est clair : un vêtement donné dans une bulle Terre est pris en charge manuellement et qualitativement, du début à la fin.

Étape 1 : une collecte préservante

 « Nos collecteurs ouvrent la bulle, mettent les vêtements qui sont en vrac dans des sacs pour les protéger, et les acheminent vers nos centres de tri. »

Cette étape est essentielle : elle évite que les vêtements ne s’abîment avant d’être triés.

Étape 2 – Un tri qualitatif dans nos centres de tri

Dans nos centres de tri d’Herstal et de Couillet, nos équipes trient pièce par pièce. L’objectif ? Trouver la meilleure seconde vie pour chaque vêtement.

  • Si c’est réutilisable, parfait.
  • Si ça ne l’est plus, on cherche une filière de recyclage adaptée.
  • Et quand ce n’est pas possible (malheureusement, ça arrive), ça part en valorisation énergétique.

 « L’objectif est de donner la meilleure seconde vie possible au vêtement, quand c’est possible. »

Étape 3 : la revente qui finance notre mission sociale

Les vêtements réutilisables sont revendus :

  • Dans nos 31 magasins en Wallonie et à Bruxelles,
  • Ou, pour le surplus, à nos partenaires à l’export.

Et le revenu de cette activité, on ne le cache pas : il finance la réinsertion socioprofessionnelle.
Nous créons de l’emploi durable pour des personnes éloignées du marché du travail.

« L’argent généré sert à financer notre objectif social : la réinsertion par le travail pour des personnes au départ peu qualifiées et éloignées du marché de l’emploi. »

Techniquement, on fait le même métier que d’autres acteurs de la filière. La différence réside dans :

  • La finalité sociale,
  • La gestion participative,
  • Et la transparence des filières.

Pourquoi on exporte encore une partie des vêtements (et pourquoi ce n’est pas un problème) ?

C’est LA question du moment. Et elle est légitime.

Le reportage #Investigation met en lumière des images qui peuvent choquer et comprend votre préoccupation mais on la nuance fortement. Jean-Baptiste nous explique :

Parce que trop de vêtements réutilisables arrivent en Belgique

 « En Belgique, la demande de vêtements de seconde main n’est pas suffisante par rapport à ce que nous recevons. »

Autrement dit : même en alimentant 31 magasins, Terre reçoit davantage de vêtements réutilisables qu’il n’est possible d’en écouler localement.

Parce qu’il existe une vraie demande ailleurs

 « Dans certains pays d’Afrique ou d’Asie, les vêtements de seconde main européens sont très recherchés : ils sont souvent de meilleure qualité que les vêtements neufs disponibles localement. »

Ce n’est donc pas une exportation “par défaut”, mais une réponse à une demande réelle.

Parce que sans export, on détruirait de la valeur

C’est un point important, souvent ignoré :

« Si on arrêtait l’exportation, tous les vêtements réutilisables devraient être recyclés ou incinérés. On perdrait toute la valeur du vêtement. Le recyclage textile n’est pas encore prêt, pas à une échelle industrielle, et a une valeur très faible. »

Non : Terre n’envoie pas “des déchets en Afrique”

Soyons clair·e·s :
Oui, les images de décharges illégales sont réelles et montrent une vraie problématique de gestion des déchets dans certains pays.
Oui, certains acteurs exportent du textile non, où mal triés.

Mais chez nous, ce n’est pas ce qui se passe.

Jean-Baptiste précise :

« Il n’y a pas de clients qui viennent depuis 30 ans chez nous pour importer des déchets. Nos clients sont des partenaires de confiance, actifs dans leurs communautés. »

Les vêtements envoyés à l’export chez Terre sont :

  • En bon état,
  • Sélectionnés selon des critères stricts,
  • Adaptés aux besoins du marché local,
  • Conditionnés correctement,
  • Vérifiés en interne et avec les clients,
  • Nos partenaires qui retrient nos produits en Afrique sont suivis via un audit indépendant du réseau TESS.

Les partenariats sont durables :

« Certains clients travaillent avec nous depuis plus de 30 ans. Ils visitent nos ateliers, nous allons chez eux, on ajuste les produits selon les demandes de leur marché. »

Sur place, dans certains marchés, la « qualité Terre » est même reconnue et recherchée.

TESS GEIE : un cadre européen pour des pratiques responsables

C’est quoi TESS ?

« Un groupement européen d’entreprises d’économie sociale actives dans la collecte, le tri et la revente de vêtements. Nous sommes actifs en Italie, Espagne, France et Belgique. »

TESS GEIE permet :

  • De fixer des critères communs sociaux, environnementaux et commerciaux,
  • De mettre en place des audits indépendants chez les clients à l’export,
  • D’échanger des bonnes pratiques,
  • Et d’assurer un suivi responsable de la filière.

Des contraintes assumées

« Avoir de l’éthique, c’est des contraintes qu’on s’impose. Si un client refuse un audit ou ne change rien après un audit négatif, on doit s’en séparer. »

Qui peut être membre ?

Uniquement :

  • Une association ou coopérative d’économie sociale,
  • Active dans la collecte et le tri,
  • Présente en Europe,
  • Avec un centre de tri ou un projet de centre dans les 3 ans,
  • Et un volume d’au moins 1 500 tonnes/an.

Terre est membre fondateur et très actif dans le réseau, mais :

« La force de TESS vient de la diversité des membres, pas d’un seul. »

Que faire en tant que citoyen·ne ?

On ne va pas se mentir : la filière textile est sous pression. Qualité des vêtements en baisse, saturation des bulles, dépôts sauvages non textiles, recyclage limité…

Mais on continue à défendre une conviction simple :

« La meilleure chose qu’on puisse faire pour un vêtement, c’est de prolonger sa vie. »

Donner ses vêtements chez Terre (ou chez un membre du Label Solid’R), c’est :

  • Créer de l’emploi local dans l’économie sociale,
  • Réduire l’impact environnemental,
  • Renforcer une filière transparente et auditée,
  • Et donner une véritable seconde vie aux vêtements encore en bon état.

Conclusion

Vous l’avez compris : chez Terre, on veille de près à la destination de chaque vêtement que vous nous confiez.

La maîtrise de la chaîne – collecte, tri, magasins, export vérifié – couplée à l’action du réseau européen TESS, propose un modèle où la réutilisation, la transparence et l’impact social sont mis au centre.

Prolonger la vie des vêtements reste le meilleur geste possible. Et quand on donne dans une filière qui en a fait sa raison d’être, ce geste a un impact bien plus large qu’on ne l’imagine.